Voilà les mots que la petite brune lisait et relisait dans son lit, les larmes lui coulant des yeux. Son père lui avait dit qu’elle était morte dans un accident de voiture quand elle était bébé, mais en réalité, elle était morte en lui donnant la vie. Elle se sentait soudainement si sale, comme si elle était criminelle de ce meurtre… Elle avait eu jusque là une vie tranquille, une vie d’enfant, mais comme elle l’a si bien dit, les masques tombent… Elizabeth regardait sa chambre aux murs roses. Elle n’était plus une gamine. Elle entrait petit à petit dans le monde des grands… Le lendemain, sa tapisserie rose de princesse termina dans de grands sacs poubelles noirs, puis dans la benne à ordure. Elle vivait dans une petite maison de banlieue avec son père et sa belle-mère. Il s’était remarié il y a quatre ans, et elle voulait un enfant, pas lui. Elizabeth ne la considérait pas comme sa mère mais plutôt comme une amie. Elle avait presque grandit avec cette femme, mais elle ne voulait pas la voir comme sa mère, elle ne voulait pas la remplacer… C’était une enfant pleine de vie, toujours joyeuse et avec un grand sourire dévoilant ses dents blanches. Elle adorait marcher avec son père, faire l’imitation de la bombe dans la piscine hors sol du jardin, jeter de la boue sur la palissade du voisin avec sa meilleure amie, une voisine à elle. Mais après ce jour, ce n’était plus pareil… Non, elle avait changé…

Rentrée scolaire. Du haut de ses quatorze ans, la demoiselle se fit conduire au lycée en voiture, par son père. Elle sortit du gros 4x4 avec ses boots noires, son haut noir moulant, ses ongles rouges, sa frange brune qui lui tombe sur les yeux… Oui, elle avait adopté un style gothique qui lui allait plutôt bien à dire vrai. Elle se faisait pas mal remarqué dans son lycée, par son extravagance vestimentaire, mais aussi pour son caractère de cochon. Elle n’était plus vraiment la petite fille souriante et aimable. Elie était devenue assez terne, ayant perdu la petite étincelle… Le masque était tombé, elle voyait la réalité des choses, et elle préférait sa vie d’avant… En cours, l’adjectif qui la qualifiait assez bien était médiocre. Elle ne voulait pas travailler, elle n’avait pas l’envie et la brunette passait plus de temps à dessiner sur ses cahiers ou classeur plutôt qu’à écouter le cours. Elle osait même parfois écouter sa musique, et prenait de haut les professeurs, mais toujours avec une touche d’humour –ou d’ironie- pour mieux faire passer la chose. En plus de ça, son père divorça avec Annabelle, car il avait une aventure et l’assumait pleinement. Depuis sa promotion dans sa boite immobilière, il avait changé, beaucoup moins présent, beaucoup plus autoritaire… Elie ne s’attardait pas sur son paternel, trop occupé à recouvrir ses murs noirs de pochette de disque de vieux rock, de dessins assez sombres… Oui, elle avait une vraie chambre de gothique, mais ça ne dérangeait apparemment personne. Son désastre scolaire commençait à se faire ressentir en seconde année de lycée, et elle savait qu’elle allait devoir travailler un peu…

_ Salut Machin.
_ Rosyne, Elizabeth…
Soupira la jeune femme en robe de chambre. Voilà, présentation faite. Sa belle-mère, 21 ans alors que son père venait de fêter ses 45 ans… Autant dire qu’elle l’avait mal prit, cette femme ayant seulement six ans de plus qu’elle, mais elle n’avait pas le choix, elle devait assumer… Mais autant dire que tout ça bloquait la jeune fille sur les relations amoureuses. Voir son père agir ainsi, ne respectant même pas sa mère aux yeux d’Elizabeth…

La demoiselle commençait à prendre des cours de tutorat, pour remonter son niveau, et c’est en troisième année que toute sa vie allait changer… Elle avait 16 ans, il en avait bientôt 17, il venait d’arriver à Philadelphie, elle était chargée de s’occuper de son insertion dans la classe car il avait le même emploi du temps qu’elle. Le jeune homme arrivait de l’étranger, et parlait l’anglais avec un peu de difficulté. Alors elle l’aidait du mieux qu’elle pouvait, et lui faisait pareil pour les cours, car il avait un niveau plutôt bon. Malgré son style, malgré son caractère, il l’appréciait beaucoup, et ils s’éclataient bien ensemble. C’était deux contraires, elle était petite, lui grand, elle aimait pas le monde, il était très sociable, il adorait les cours, elle supportait pas ça… Bref. Mais pourtant, c’était le début d’une grande et longue histoire… Ils commencèrent à flirter pendant leur troisième année, mais la jeune fille était réticente… Or il fini, par force de persévérance, à l’embrasser pendant les vacances d’été, alors qu’ils repeignaient les murs de la demoiselle d’une couleur olive. La gothique tombait amoureuse, et ça lui faisait plutôt peur, mais elle voulait être avec lui, elle se sentait tellement bien à ses côtés, comme si elle revivait. Elie voyait la vie d’un autre côté, plutôt que voir tous les mauvais points, elle apprenait à voir les bons, et c’était bien plus agréable… Elle fini par abandonner son style gothique pour laisser place à une jeune fille épanouie, qui respire la joie de vivre… Elle obtint son diplôme en même temps que lui et commença des études de psychologie. Et la demoiselle se sentait plutôt bien dans sa fac, avec son amoureux. Ils étaient tout le temps ensemble, ils avaient même un cercle d’amis commun. Les deux tourtereaux vivaient sans se prendre la tête, et ça marchait, encore et encore…

_ Mon Ange… Je veux un bébé.
_ Hum… Tu veux pas qu’on se marie avant ?
_ Alors je veux un grand mariage !
_ Finalement, vas pour le bébé…
Il lui sourit puis l’embrassa tendrement. Ca faisait maintenant trois ans qu’ils étaient ensemble, et c’est par cette courte discussion, une nuit d’été, qu’ils concrétisèrent leurs projets d’avenir ensemble alors qu’ils venaient de signer leur bail pour un appartement ensemble… Allongé sur un matelas à même le sol, peu de meubles, mais ils étaient ensemble, dans leur appartement… Tout deux en troisième année de fac, ils s’en sortaient plutôt bien et arrivait à tout gérer. Ils étaient boursiers, donc pas trop de soucis d’argent, et les parents de chacun les aidaient bien. Monsieur Cowell s’était de nouveau marié avec sa jeunette, Rosyne, et Elie avait toujours du mal à accepter la chose mais bon, elle ne les voyait presque plus, habitant à l’autre bout de la ville. Non, elle n’avait toujours pas quitté sa ville, et elle ne comptait pas partir, du moins, pas pour le moment… Elle avait beau chercher, elle ne voyait rien à reprocher à sa vie...

« Mademoiselle Cowell,
Je soussigné, Monsieur […], spécialisé en psychologie , vous affirme que votre demande de stage a été accepté dans mon cabinet. […] Avec mes salutations distinguées. »
Elizabeth sauta de joie en lisant ces quelques lignes, qui attestait qu’elle travaillerait avec un grand psychologue pour faire son mémoire de quatrième année. Elle savait qu’elle aurait une bonne réputation par la suite, qu’elle ne se planterait surement pas… Elle avait foi en elle, et elle avait prit un certain goût pour les études qu’elle faisait. Comme quoi, faculté et lycée, ce n’était pas pareil… Mais elle avait grandit, elle avait mûrie et elle avait toute la vie devant elle pour se remettre en question. Voilà six mois qu’elle organise son mariage avec son homme, et la date était prévue pour le mois d’octobre. Qui aurait cru qu’en septembre, toute sa vie allait s’écrouler ? Et pourtant, c’est ce qui arriva… C’était un mardi soir, et les deux amoureux devaient se retrouver après avoir enterré chacun de leur côté leur vie de jeune fille/garçon. Quatre jours sans se voir, sans avoir pu se parler au téléphone… Dur dur ! Elle, elle était partie dans un chalet dans le Missouri avec des amies, et lui était parti à Vegas. La jeune femme avait hâte de le revoir, surtout qu’elle avait une nouvelle à lui annoncer. Or quand il arriva, qu’il l’embrassa, elle comprit qu’il y avait quelque chose…

Le plat principal arriva quand le jeune homme finit par prendre la parole :
_ Elie, j’ai quelque chose à te dire…
_ Ca tombe bien, moi aussi.. ! Allez, je suis galante, commence !
_ … …. ….. Tu sais que je t’aime plus que tout, Elie… Tu le sais hein… ?
_ Je t’écoute… Dit-elle en fronçant légèrement les sourcils.
_ Je… J’ai couché avec une autre ce week-end…
Un silence, un regard fixé, un long silence...
_ Je suis enceinte.
Elle se leva de table et se dirigea vers la sortie, d’un pas rapide. Il la suivit, elle le gifla de toutes ses forces avant d’essuyer les larmes qui coulaient sur ses joues. Elle n’aurait jamais cru ça, elle n’aurait jamais pensé qu’il pouvait lui faire ça, pas lui… Elle avait confiance… Elle était fébrile, énervée, cherchant ses clefs dans son sac tout en marchant quand elle sentit une main la rattraper. Et dire qu’elle portait son enfant… Elle lui fit volte-face, avec colère tout en se dégageant de lui :
_ Elie, je ne voulais pas, je.. J’étais bourré, je t’assure, je m’en souviens même pas, je t’aime ma Jolie, je t’aime plus que tout… Je te promets, je ne voulais pas… Et le bébé…
_ Ferme la. De suite. Je ne veux plus te voir, je ne veux plus entendre parler de toi, tu m’entends ? C’est fini.
Elle contourna sa voiture et monta dedans, quand la porte du côté passager s’ouvrit. Il s’assit à côté d’elle puis dit :
_ Ne conduis pas dans cet état, Elie, c’est dangereux.
_ CASSE TOI DE MA VOITURE ! CASSE TOI DE MA VIE !
Il resta la, refermant la porte, et elle démarra, silencieuse, énervée, elle avait envie de frapper dans quelque chose pour faire passer sa colère, pour extérioriser. Elle était déçue, mais c’était comme ça… Attention jolie brune…

BAM !

« _ Traumatisme crânien et perforation du poumon gauche pour lui, et la jeune femme a un bout de pare-brise dans l’abdomen et une fracture du bras. Grosse hémorragie… »
« _ Mademoiselle ? Vous m’entendez mademoiselle ? Vous êtes à l’hôpital, ne vous inquiétez pas, tout va bien, vous êtes sauve…
_ Mon bébé… Et lui… Demanda-t-elle d’une voix faible.
_ Je suis désolé… Vous avez perdu votre bébé… Et votre compagnon est plongé dans le coma, je n’en sais pas plus… »